On pensait les abysses à l’abri avec une préservation de ces écosystèmes vierges mise en avant ainsi que dix ans de négociation dans ce sens et pourtant, en l’espace de quelques jours, ceux-ci viennent d’être livrés aux appétits industriels par un simple décret.
En avril 2025, Donald Trump, revenu au pouvoir, a décidé d’ouvrir la voie à l’exploitation minière des fonds marins, défiant le droit international et balayant d’un revers de main des années de négociations. Ce texte, c’est plus qu’un décret : c’est un signal. Un coup de tonnerre pour les défenseurs du vivant, et une gifle pour celles et ceux qui croyaient encore que l’océan profond resterait un sanctuaire.
Une signature, dix ans de discussions balayées
Donald Trump vient de rayer une décennie de négociations internationales et est en train d’ouvrir les abysses aux bulldozers industriels de l’industrie des métaux. Le décret, signé le 24 avril, autorise l’exploitation minière des fonds océaniques, y compris en dehors des eaux américaines. Ce texte ignore l’Autorité internationale des fonds marins, seule instance légitime pour encadrer les activités en haute mer.
Trump ne consulte personne. Il ordonne, presse. Il décide de transformer une zone encore vierge en carrière industrielle et promet un milliard de tonnes de matériaux extraits en dix ans. Son objectif : battre la Chine, dominer les flux minéraux, et faire des océans le prochain Far West. Une compagnie canadienne est dans les starting-blocks et se frotte les mains. Après avoir longtemps compté sur l’appui de Nauru, une petite île du Pacifique dévastée par l’extraction de phosphate, la startup avait révélé, fin mars, être en négociation avec l’administration Trump pour lancer rapidement ses engins excavateurs, en invoquant la lenteur de l’Autorité internationale des fonds marins.
Mais à quel prix ? Derrière les chiffres, les écosystèmes s’effacent. Ces zones inconnues, pleines de biodiversité, vont être massacrées avant même d’être décrites. On sait qu’une fois saccagée avec ou sans succès minier, il faudra des décennies pour espérer restaurer ces milieux difficiles d’accès.
Un crime écologique
L’argument est connu : il faut des métaux pour les batteries, pour les panneaux solaires, pour la transition énergétique. Mais en vidant les abysses de leur cobalt et de leurs terres rares, le Président américain se moque de l’écologie. Alors oui, les États-Unis n’ont jamais ratifié la Convention sur le droit de la mer. Mais ils l’ont signée. Et selon les juristes, cela suffit à les engager. Trump passe outre. Il piétine le multilatéralisme. Surtout, il crée un précédent. Et, on va le voir, tous ceux qui étaient restés muets jusque-là vont vite s’engouffrer dans la brêche! Le droit devient optionnel. L’humanité perdra au passage une part de son patrimoine commun.
L’océan et la planète sont vus comme un réservoir à profits. D’autant que rien n’est moins hasardeux que cette exploitation des fonds océaniques. En effet, le coût économique de cette extraction risque de rendre cette activité non rentable. Les concentrations sont parfois faibles et les profondeurs difficiles à atteindre. Et on le sait, une fois ce constat fait, rien n’obligera l’entreprise à remettre en l’état le site … lorsque c’est possible d’ailleurs!
Le décret de Trump n’est donc pas une simple décision administrative : c’est un basculement. En choisissant d’extraire des métaux dans les profondeurs océaniques sans concertation, il impose une vision du monde où la rentabilité prime sur le vivant, où l’inconnu est une ressource à exploiter plutôt qu’un trésor à protéger. Les abysses sont peut-être invisibles, mais ils sont essentiels. Ils régulent le climat, abritent une biodiversité unique et souvent inconnue, et nous rappellent que l’humilité devrait guider notre rapport à la planète.
Ce combat ne fait que commencer. Il appartient désormais à la communauté internationale, aux scientifiques, aux citoyens, de contester ces décisions. Pour que le silence des grands fonds ne devienne pas le silence de notre renoncement face à une décision inacceptable.