Réchauffer l’extérieur pour vivre à l’intérieur résume bien le développement mondial de la climatisation. C’est un paradoxe troublant. Elle génère de la chaleur à l’extérieur tout en produisant de l’air frais à l’intérieur.
Ce cercle vicieux nuit à l’environnement. Le nombre de climatiseurs résidentiels et professionnels devrait tripler d’ici 2050. Cette évolution enfermera-t-elle les humains dans leurs logements? Seront-ils contraints au télétravail ou empêchés de sortir lorsque la chaleur deviendra insupportable?
Une croissance inquiétante
L’usage exponentiel de la climatisation menace la planète. Cette tendance s’observe à l’échelle nationale et internationale. Les pays en développement rapide, comme la Chine, l’Inde, la Thaïlande, l’Indonésie et le Brésil, subissent déjà une forte hausse de la demande. Le nombre de climatiseurs installés pourrait tripler d’ici 2050. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), cette évolution aurait des conséquences catastrophiques. Les climatiseurs consomment autant d’énergie que 40 à 50 réfrigérateurs.
Si cette croissance se confirme, la climatisation représentera 15 à 20% de la demande électrique mondiale en 2050. Cela augmentera les émissions de gaz à effet de serre et aggravera le réchauffement climatique. Un emballement des températures pourrait alors survenir, notamment si les engagements des Accords de Paris de 2015 ne sont pas respectés. Certaines prévisions indiquent que l’alimentation des climatiseurs pourrait dépasser 30% de la demande électrique mondiale d’ici 30 à 40 ans. Pour rompre ce cercle vicieux, l’AIE recommande des alternatives et une utilisation plus responsable.
D’ici 2050, la production mondiale d’électricité devrait doubler. Elle passerait de 25 000 TWh en 2023 à plus de 50 milliards de MWh. Cette augmentation impliquera des bouleversements majeurs dans la production énergétique. Prédire avec précision l’évolution sur 25 ans reste difficile. Toutefois, sans avancée technologique immédiate ni réglementation stricte, cette croissance semble inévitable. À moins d’un effondrement ou d’une adoption massive de la sobriété énergétique, ce scénario reste probable. Pourtant, nous en sommes encore loin.
Les climatiseurs varient selon leur usage. Une maison de 80 m² ne consomme pas autant qu’un immeuble d’entreprise. Les équipements diffèrent aussi entre habitations et bureaux.
Consommation et émissions
L’ordre de grandeur importe plus que la donnée exacte lorsqu’on imagine le futur. Voici quelques calculs révélant l’absurdité du développement incontrôlé de la climatisation à l’heure de la lutte climatique.
Consommation énergétique
L’inflation et la nécessité de réduire la consommation rendent cette croissance d’autant plus inquiétante.
En 2018, l’AIE estimait que le parc mondial de climatiseurs dans les bâtiments atteignait 1,5 milliard d’unités. Il pourrait dépasser 5 milliards en 2050. Un climatiseur consomme en moyenne 1 500 kWh par an. En 2023, ces appareils consommaient déjà 2 250 TWh par an, soit 10% de la consommation électrique mondiale. En 2050, cette part pourrait grimper à 15%.
Limiter l’usage de la climatisation aux services essentiels permettrait d’économiser 5 à 10% de l’énergie mondiale. Ce chiffre est colossal. Est-il logique de consacrer autant d’énergie à un système qui réchauffe la planète? La réponse est évidente. Pourtant, nous faisons collectivement l’inverse. Pire, les plus aisés imposent cette consommation aux plus défavorisés, qui n’ont pas les moyens de se protéger.
Cette inégalité pose un problème majeur. Certains pays très chauds s’équipent par nécessité, bien que ce choix soit discutable sur le long terme. Pendant ce temps, les populations aisées ou celles vivant dans des zones peu exposées investissent massivement dans ces équipements. Ce phénomène les pousse à en installer davantage, perpétuant ainsi un cercle vicieux.
Emissions de gaz à effet de serre
Celles-ci suivent la même tendance. Actuellement, 10% des émissions mondiales de GES proviennent des climatiseurs. Sur les 35 000 gigatonnes de CO2 émises chaque année, 3 500 proviennent de ces appareils. Si nous maintenons ce rythme d’installation, ces émissions atteindront 10 000 Gt en 2050.
Des systèmes plus sobres existent, mais ils restent marginaux. Nous sommes déjà bien au-dessus des objectifs de Paris. Comment justifier une telle croissance? Les fluides frigorigènes utilisés dans ces appareils, les HFC, sont 1 500 à 3 000 fois plus réchauffants que le CO2. Pourtant, leur installation et leur recyclage restent peu encadrés.
Nos dirigeants communiquent sur la réduction des émissions, mais les actes ne suivent pas. Les Accords de Paris exigent une baisse annuelle de 3 à 4% des émissions de GES. D’ici 2030, elles devraient avoir diminué de 45%. Or, nous nous en éloignons. Malgré cela, les climatiseurs continuent de proliférer sans contrôle. Dans le sud de la France, ces appareils se multiplient alors que la chaleur intense ne dure que quelques mois. Cette tendance ne fait qu’aggraver le problème.
Si nous ne changeons pas rapidement notre mode de vie, nous nous enfermerons chez nous pour échapper à la chaleur. Pendant ce temps, le monde extérieur deviendra invivable. Pourtant, nous avons été prévenus.