L’inaction des gouvernements du monde entier pousse les scientifiques à se rebeller.
Lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992, 1 700 scientifiques ont publié une tribune exhortant l’humanité à ralentir la dégradation de l’environnement.
Vingt-cinq ans plus tard, en 2017, ce sont plus de 15 000 signataires qui ont appelé la société civile à « faire pression ».
Depuis 1992, loin d’avoir résolu les défis environnementaux annoncés, l’humanité a, au contraire, vu la plupart d’entre eux s’aggraver de manière alarmante. C’est ce que regrettent ces scientifiques: biologistes, physiciens, chimistes et spécialistes du climat. Leur constat repose sur une mise à jour des indicateurs déjà utilisés en 1992, tels que la disponibilité des ressources en eau, la déforestation et l’augmentation des températures.
Alertant sur les effets cumulés des émissions de gaz à effet de serre, de la destruction des forêts et de l’intensification de l’agriculture, les auteurs de toutes ces manifestations soulignent qu’un « phénomène d’extinction de masse » est en cours. Ils rappellent qu’il menace la survie de nombreuses spèces. Le texte souligne les risques liés à une consommation effrénée. Il met aussi en avant l’incapacité à freiner la pollution et à protéger les écosystèmes. Tout ceci en lien avec une croissance démographique humaine rapide.
Des mouvements actifs
À travers le monde, des mouvements de scientifiques se mobilisent pour faire entendre leur voix et pousser les décideurs à agir. Parmi eux, on peut citer Scientist Rebellion, un groupe de scientifiques qui se sont réunis pour lutter contre l’inaction climatique des gouvernements. Leur mouvement a pour but de promouvoir une transition vers une société plus durable. À travers des actions symboliques, des manifestations ou encore des prises de parole publiques, ces scientifiques cherchent à sensibiliser la population. Ils interpellent aussi les décideurs politiques sur l’urgence de la situation.
En parallèle, d’autres mouvements tels que Extinction Rebellion ou Fridays For Future ont également émergé ces dernières années. Ils portent haut et fort la voix de la communauté scientifique (et plus généralement de la société). Leurs membres exigent des mesures ambitieuses pour lutter contre le dérèglement climatique.
Ces mouvements mènent diverses actions, telles que des manifestations, des occupations pacifiques, des campagnes de sensibilisation, ainsi que la publication de rapports et la conduite de recherches scientifiques indépendantes. L’objectif est d’alerter l’opinion publique et les décideurs politiques sur les enjeux environnementaux majeurs et de les inciter à prendre des mesures urgentes pour y remédier.
Le GIEC: un acteur clé
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC a été fondé en 1988. Il regroupe 195 États membres et constitue une référence scientifique mondiale sur les questions climatiques. C’est une organisation scientifique au service des États.
Le rôle du GIEC est de synthétiser l’état des connaissances scientifiques sur le dérèglement climatique et l’impact des activités humaines. Ses rapports servent de base aux négociations internationales. Ils aident les États à élaborer des politiques climatiques. Son bureau rassemble des scientifiques de diverses disciplines et de toutes les régions du monde.
Le GIEC se compose de trois groupes de travail et d’une équipe spéciale :
- Groupe 1 : Analyse les aspects scientifiques du dérèglement climatique.
- Groupe 2 : Étudie la vulnérabilité des sociétés et des écosystèmes face aux dérèglement climatiques ainsi que les possibilités d’adaptation.
- Groupe 3 : Évalue les solutions pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et atténuer le réchauffement climatique.
- Équipe spéciale : Développe des méthodologies pour le suivi des émissions de gaz à effet de serre.
En mars 2023, le dernier rapport du GIEC a révélé que la dernière décennie a été la plus chaude depuis plus de cent mille ans. Il alerte sur la fréquence accrue des phénomènes climatiques extrêmes et sur les défis croissants pour y faire face.
Un pouvoir non contraignant
Bien que le GIEC n’ait aucun pouvoir contraignant, ses rapports influencent fortement les négociations internationales. Parmi les décisions majeures qu’ils ont contribué à façonner, on peut citer :
- Le Sommet de la Terre de Rio (1992), point de départ des négociations climatiques mondiales.
- Le Protocole de Kyoto (1997), premier accord international fixant des engagements contraignants en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
- L’Accord de Paris (2015), premier texte universel engageant les États à limiter le réchauffement bien en dessous de 1.5°C.
Toutefois, le GIEC reste un acteur scientifique et non politique. Le GIEC se positionne comme un observateur et n’intervient pas dans les négociations. Il suffit parfois d’écouter Jean Jouzel, qui a rejoint le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat en tant que membre en 1994. Il a ensuite occupé, de 2002 à 2015, la vice-présidence du groupe de travail chargé des bases physiques du dérèglement climatique. Lorsqu’on l’écoute, on comprend aisément quelle peut être la frustration de ces scientifiques quant à l’inaction coupable des gouvernements.
Les scientifiques lanceurs d’alerte occupent donc une place centrale dans la lutte contre le dérèglement climatique. Ils participent aussi à la sauvegarde du vivant en mettant en lumière les dangers qui menacent notre planète. Par leurs recherches et leurs avertissements répétés, ils contribuent à informer le grand public. Souvent, ils orientent les décisions politiques. Pourtant, leur engagement les expose fréquemment à des pressions, du scepticisme et parfois même à des tentatives de discréditation.