La pollution de l’eau du robinet par des pesticides inquiète. Depuis vingt ans, les spécialistes soupçonnent le chlorothalonil, un fongicide, d’être dangereux pour les êtres vivants. Pourtant, il a fallu attendre 2020 pour son interdiction en France.
Rien d’étonnant, donc, qu’un rapport de l’Anses mette en avant des niveaux préoccupants de chlorothalonil R471811 dans l’eau. Il s’agit du métabolite d’un fongicide désormais interdit en France depuis 2020. On le détecte dans l’eau potable. Le chlorothalonil R471811 est une substance soupçonnée d’être cancérigène.
Les autorités ont déclaré que la présence de chlorothalonil R471811 dans l’eau du robinet ne pose aucun risque pour la santé. Cependant, la présence de pesticides et de leurs métabolites dans l’eau potable, dans de nombreuses communes, reste inquiétante. On constate des dépassements de la limite de qualité dans plus d’un tiers des échantillons. Avant de mener son enquête, l’Anses avait sélectionné 157 pesticides et métabolites de pesticides, qui sont les résidus de ces substances. Selon l’agence de sécurité sanitaire, sur ces 157 substances, 89 ont été détectées au moins une fois dans les eaux brutes et 77 dans les eaux traitées.
Un fongicide, c’est quoi ?
Un fongicide est une substance chimique utilisée pour tuer ou prévenir la croissance des champignons pathogènes. On les utilise dans les cultures agricoles ou les espaces de vie tels que les maisons, les jardins, les parcs, etc. Les fongicides sont utilisés pour prévenir ou traiter les maladies fongiques. Ils agissent sur la moisissure, la pourriture, les taches foliaires et la rouille. Ils peuvent être appliqués sous forme de pulvérisation, de poudre ou d’autres formes. Le but est d’empêcher les maladies fongiques de se propager et de causer des dommages aux plantes ou à l’environnement.
Et un métabolite ?
Un métabolite est une substance qui résulte de la dégradation d’un pesticide dans l’environnement ou dans l’organisme d’un être vivant exposé. Les métabolites de pesticides peuvent être plus ou moins toxiques que le pesticide original. Certains persistent dans l’environnement ou s’accumulent dans les chaînes alimentaires. On trouve ces métabolites dans les sols, les eaux et les aliments. On le retrouve ensuite dans l’urine ou le sang des personnes exposées aux pesticides. La présence de métabolites de pesticides dans l’eau potable est préoccupante, car elle représente un risque pour la santé humaine.
Et le chlorothalonil ?
On utilise le chlorothalonil, un fongicide, en agriculture pour lutter contre les maladies des cultures. L’un de ses principaux métabolites, le R471811, est considéré comme un cancérigène probable pour l’homme par l’Agence internationale de recherche sur le cancer. Selon plusieurs études, le R471811 pourrait entraîner des effets toxiques sur les cellules et les organes, tels que des lésions hépatiques, rénales et testiculaires. Il pourrait également causer des dommages à l’ADN et des perturbations hormonales. La Commission européenne avait déjà émis des réserves sur ce fongicide dès le début des années 2000.
L’exposition au R471811 peut se produire par la consommation d’eau contaminée, par inhalation de poussières ou de vapeurs lors de l’utilisation de produits contenant du chlorothalonil, ou par contact cutané avec des surfaces traitées. Le chlorothalonil est un fongicide interdit en France depuis 2020.
Les dépassements du seuil de qualité pour la plupart des molécules ne signifient pas que l’eau du robinet est toxique. On déclare dans ce cas l’eau « non conforme« , et le gestionnaire doit mettre en place des mesures pour résoudre le problème.
Toutefois, pour certaines molécules, comme le R471811, les autorités manquent de données scientifiques pour déterminer une valeur sanitaire maximale. Elles appliquent alors une valeur sanitaire transitoire, fixée à 3 μg/L, qui renforce la surveillance de l’eau sans interdire automatiquement sa consommation. Le rapport de l’Anses invite les acteurs concernés à se préparer à la sortie de l’usage des pesticides.
Pas que du chlorothalonil
Parmi les sept composés ayant entraîné des dépassements de la limite de qualité fixée à 0,1 µg/litre, le métabolite du chlorothalonil R471811 est le plus fréquent. Présent dans plus d’un prélèvement sur deux, il conduit à des dépassements de la limite de qualité dans plus d’un prélèvement sur trois. Par ailleurs, on a aussi retrouvé des présence importante de l’ESA métolachlore, métabolite du S-métolachlore dans plus de 50 % des eaux brutes et traitées. Les dépassements de la limite de qualité sont beaucoup moins fréquents.
En février 2023, l’Anses a lancé une procédure de suppression des usages principaux des produits phytopharmaceutiques contenant du S-métolachlore suite à des mesures inquiétantes. Le ministre, quant à lui, freine autant que possible cette interdiction pour ne pas se mettre à dos les agriculteurs qui, c’est une évidence, à force de toujours repousser les échéances, seront les premiers pénalisés par ces interdictions.
Et maintenant les PFAS!
On en entend parler de plus en plus. Les substances per/polyfluoroalkylées (PFAS) forment une famille de milliers de composés chimiques. Ils sont utilisés depuis les années 1950 dans divers produits du quotidien. On les retrouve dans des textiles, des emballages alimentaires, des mousses anti-incendie, des cosmétiques. Celles-ci sont prisées pour leur résistance à la chaleur, leur imperméabilité et leurs propriétés antiadhésives.
Cependant, les PFAS sont extrêmement persistants en raison de la solidité des liaisons carbone-fluor qui les composent. On détecte des substances comme le PFOS et le PFOA dans l’environnement bien que largement restreintes au niveau international depuis 2009 et 2020. De plus, leur dégradation peut donner naissance à des substances à chaînes carbonées plus courtes, mais tout aussi préoccupantes.
Les recherches scientifiques sur certains PFAS révèlent qu’ils ont des effets néfastes sur la santé humaine. Ils agissent notamment sur l’augmentation du taux de cholestérol, des cancers, des troubles de la fertilité et du développement fœtal. Ils ont des impacts sur le foie et les reins et ont été classés comme cancérogènes pour l’homme.
Les études citées ci-dessus révèlent donc les risques importants pour la santé liés à la présence du chlorothalonil et de son métabolite R471811 dans l’eau potable (ainsi que d’autres, comme l’ESA métolachlore, métabolite du S-métolachlore). L’interdiction de sa vente et de son utilisation en France depuis 2020 se justifie, étant donné les risques sanitaires qu’il représente. Le dernier rapport de l’Anses souligne l’importance de continuer à surveiller la présence de ce polluant dans l’environnement afin de protéger la santé publique.