Le tourisme de croisière connaît une expansion sans précédent et les navires de croisières sillonnent dans toutes les régions du monde, même les plus fragiles, même les plus préservés jusque-là.
En 1970, seulement une vingtaine de navires sillonnait les mers. Aujourd’hui, ils sont plusieurs centaines. Le nombre de passagers atteint près de 35 millions en 2024. Cependant, cette croissance génère des problèmes environnementaux majeurs. L’augmentation des émissions polluantes et la destruction des écosystèmes inquiètent. Un rapport de Transport Environnement récent démontre les impacts négatifs de ce transport de loisirs de masse.
Le rapport de T&E
La European Federation for Transport and Environment -T&E est une organisation européenne qui promeut un transport durable et écologique. Le rapport intitulé « Cruisezillas: How much bigger can cruise ships get? » de T&E analyse la croissance des paquebots géants, leur impact environnemental et appelle à une réglementation stricte.
Signalons que le sous-titre du rapport est « Les navires de croisière sont de plus en plus grands et nombreux. C’est un problème pour l’environnement. » Tout est dit. Rentrons un peu plus dans le détail.
Une croissance fulgurante
Le nombre de bateaux de croisière a été multiplié par vingt en 50 ans. En 1970, seule une vingtaine de navires était enregistrée dans le monde, représentant une jauge brute totale d’environ 100 000 tonnes. À partir des années 1980, leur nombre a augmenté rapidement pour répondre à la demande croissante des consommateurs. Aujourd’hui, plus de 500 bateaux sillonnent les mers, pour un tonnage cumulé impressionnant de 30 millions de tonnes.
Depuis les années 1990, la taille des bateaux de croisière a aussi fortement augmenté. Les dix plus grands navires actuels ont une taille moyenne qui a globalement doublé en 25 ans.
Les plus grands paquebots d’aujourd’hui, comme l’Icon of the Seas, peuvent transporter jusqu’à 7 600 passagers, contre 3 938 pour le Voyager of the Seas, construit avant 2005, soit une augmentation de 93 % de la capacité. À titre de comparaison, les plus grands bateaux actuels sont 2 à 3 fois plus grands que le Titanic en nombre de passagers.

Les « méga-croisières » – transportant plus de 3 500 passagers – représentent aujourd’hui 18 % de la flotte mondiale, mais assurent plus de 50 % de la capacité totale de passagers. Cette tendance traduit un virage vers des navires toujours plus grands afin de répondre à la demande croissante pour les vacances en croisière.
Une pollution en hausse constante
Les croisières consomment d’énormes quantités de carburant. Entre 2019 et 2022, leurs émissions de CO2 en Europe ont augmenté de 17 %. Les émissions de méthane ont été multipliées par cinq. Le plus grand navire actuel dépasse le double de la taille des modèles de l’an 2000. Si cette tendance se poursuit, les futurs bateaux atteindront 345 000 tonnes brutes d’ici 2050. Ces chiffres inquiètent les experts du climat.
Les compagnies de croisière investissent dans le GNL pour remplacer le fioul lourd. Cette solution réduit les émissions de CO2 mais augmente celles de méthane. Or, ce gaz est 80 fois plus impactant que le CO2 sur 20 ans.
Un impact financier croissant
Depuis 2024, l’Union européenne impose une taxe carbone aux navires. En 2030, naviguer avec des carburants classiques coûtera 13 % plus cher qu’un mélange avec des e-carburants. En 2050, cette différence pourrait atteindre 80 %, soit un surcoût de 1,3 million d’euros par semaine de navigation. Par ailleurs, une taxe de 50 € par billet de croisière pourrait rapporter 1,6 milliard d’euros par an dans le monde. Ces revenus serviraient à financer la transition énergétique. Cette augmentation des coûts incitera les compagnies à investir rapidement dans des technologies « propres » et des carburants alternatifs.
Des solutions pour une croisière durable
Plusieurs mesures doivent être mises en place. Les navires de croisière doivent adopter des règles plus strictes que les autres bateaux. Ils doivent se connecter aux réseaux électriques à quai. Certaines zones sensibles doivent interdire l’accès aux croisières. Une plus grande transparence est également nécessaire. Les compagnies doivent publier leurs émissions pour éviter le greenwashing. Introduire une taxe sur les billets de croisière afin de financer la transition énergétique, tout en équilibrant la fiscalité avec d’autres modes de transport serait souhaitable. Enfin, l’UE doit réguler les émissions de méthane pour limiter leur impact.
D’autres solutions émergent également. L’utilisation de carburants alternatifs comme l’hydrogène vert et les biocarburants peut significativement réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le développement de voiles rigides et d’ailes solaires permettrait aussi d’améliorer l’efficacité énergétique des navires. De plus, l’adoption de systèmes de traitement avancés des eaux usées limiterait la pollution des océans. Enfin, encourager des itinéraires optimisés et un tourisme plus responsable permettrait de limiter l’impact écologique des croisières.
L’expansion du tourisme de croisière pose donc des problèmes environnementaux majeurs. Les compagnies ont les moyens d’investir dans des solutions durables. L’avenir de la croisière dépend des choix faits aujourd’hui. Sans action rapide, ces villes flottantes risquent de devenir un fardeau pour la planète. Le rapport de T&E est sans ambiguïté.