Nos dirigeants fantasment une transition énergétique et une société écologique, mais sans « comprendre » ou avouer réellement les défis liés à l’extraction des ressources essentielles à cette transformation.
Nos politiques nous promettent qu’une transition écologique suffira à résoudre la crise climatique. Ils vantent les énergies renouvelables et les technologies vertes comme des solutions idéales. Pourtant, ils taisent ou ignorent une vérité essentielle : ces alternatives reposent sur l’exploitation massive de métaux rares. Derrière le rêve d’un monde propre se cache une industrie polluante, sale, destructrice et profondément inégalitaire.
Une transition énergétique à marche forcée
La COP 21 et les accords de Paris en 2015 ont accéléré la transition énergétique. A juste titre, les énergies fossiles sont jugées nocives pour l’environnement. La décarbonation de l’économie est donc logiquement devenue une priorité mondiale.
Les solutions adoptées reposent sur les énergies renouvelables et les technologies vertes. L’énergie solaire, l’éolien et les voitures électriques sont présentés comme des alternatives propres. Le numérique joue aussi un rôle clé en optimisant l’efficacité énergétique. Les technologies vertes n’utilisent pas de pétrole mais dépendent de métaux rares. Ces ressources sont aussi cruciales que le charbon au XIXe siècle ou le pétrole au XXe.
Ces métaux, présents en infimes quantités dans la croûte terrestre, sont extraits par des processus complexes. On trouve parmi eux le cobalt, le tantale et le lithium etc… Ils sont indispensables aux panneaux solaires, aux batteries et aux appareils électroniques.
Nous sommes en train de reproduire les erreurs du passé en remplaçant notre dépendance au pétrole par cette dépendance aux métaux rares. C’est un non sens.
Un coût écologique et humain
L’extraction des métaux rares cause d’importants dégâts environnementaux que nous ne voulons pas voir. En Chine, des mines à ciel ouvert ont ravagé des paysages entiers. Des produits chimiques toxiques polluent les sols et les eaux.
En Mongolie, des lacs de rejets chimiques menacent la santé des populations. Le Tadjikistan, pays d’Asie centrale, est aussi un nouvel acteur stratégique dans cette course aux métaux rares. Riche en terres rares et autres ressources minières, Pékin y a investi massivement, exploitant les minerais locaux en échange de financements d’infrastructures. Ce partenariat déséquilibré permet à la Chine d’étendre son contrôle sur ces ressources tout en évitant d’exposer son propre territoire à une surexploitation encore plus massive. Malheureusement, les populations locales, elles, subissent les conséquences environnementales et économiques de cette dépendance croissante à Pékin.
De même, en République démocratique du Congo, le cobalt est au cœur de violents conflits. La RDC fournit plus de 70 % du cobalt mondial, un métal essentiel aux batteries des voitures électriques et des appareils électroniques. Des groupes armés, financés par le commerce illégal du cobalt, s’affrontent pour le contrôle des mines. Le Rwanda est accusé de soutenir certaines factions rebelles afin de profiter des ressources congolaises. Cette situation alimente un cycle de violence: meurtres, viols … Le travail forcé et l’exploitation des enfants dans les mines accentuent le drame humain derrière la transition énergétique. Ainsi, derrière les promesses d’un avenir plus propre, des guerres et des violations des droits humains persistent.
Le conflit en Ukraine est aussi devenu un exemple de lutte pour ces métaux. La guerre ne se limite pas à une lutte géopolitique entre l’Occident et la Russie. L’Ukraine possède d’importantes réserves de métaux rares, attisant les convoitises des grandes puissances. Les États-Unis ont renforcé leur volonté de sécuriser ces ressources essentielles à leur industrie technologique. Plutôt que d’exploiter ces métaux sur leur sol, au risque de protestations écologiques, ils cherchent à contrôler des territoires étrangers. Délocaliser l’exploitation polluante loin des citoyens américains tout en garantissant leur domination technologique et économique.
L’Europe ne fait pas mieux et a délocalisé sa pollution en confiant l’extraction, le raffinage à d’autres pays, principalement la Chine. Cette stratégie permet de préserver une image verte sans réduire aucunement l’impact environnemental global.
Quelles alternatives ?
Alors oui, la demande en métaux rares explose. En 30 ans, l’humanité pourrait consommer plus de métaux que depuis 4000 ans. Des solutions existent pour éviter tous les travers liés à leur exploitation. Il faut recycler davantage, concevoir des technologies plus durables et lutter contre l’obsolescence programmée. Il est aussi nécessaire de réfléchir à une transition énergétique qui ne repose pas uniquement sur l’exploitation de nouvelles ressources.
La transition énergétique doit donc s’accompagner d’une réflexion sur cette consommation. Aujourd’hui, moins de 1 % des métaux rares sont recyclés, car leur récupération coûte trop cher. Pourtant, des solutions existent. Certaines entreprises recyclent les déchets électroniques et réparent des appareils électroménagers pour limiter le gaspillage.
L’éco-conception des produits est une autre piste. Fabriquer des technologies plus durables et lutter contre l’obsolescence programmée réduit notre dépendance aux nouvelles extractions. Réduire la consommation inutile d’appareils électroniques et favoriser une utilisation plus rationnelle des ressources permet de limiter l’impact environnemental et social de la transition énergétique.
Un mirage
La transition énergétique, telle qu’elle est présentée et pensée pour le moment, repose uniquement sur des solutions technologiques. Ce techno-solutionnisme n’est et ne sera en rien une solution à nos problèmes. Or, à écouter nos dirigeants, seule la technologie pourra nous sauver et ça, c’est un mensonge! Ces solutions tentent de résoudre des problèmes créés par la technologie elle-même. La transition génère ainsi autant de défis qu’elle n’en résout. Planter une éolienne dans un champ, c’est aussi se donner bonne conscience. On oublie que cette éolienne est, à l’origine, une pollution (lointaine pour nous) crée par nos modes de vie intenables.
Sans remettre en question notre mode de vie et de consommation, nous ne réglerons pas les problèmes que cette transition prétend résoudre. Il est plus qu’urgent de repenser le sens du monde.
La transition énergétique repose donc sur une illusion de propreté. Derrière les énergies vertes se cachent des pratiques destructrices et une dépendance accrue aux métaux rares. Pour réellement préserver la planète, il est nécessaire de repenser notre modèle de consommation et d’innovation. Recycler, économiser et diversifier les sources d’approvisionnement permettront de concilier progrès technologique et respect acceptable de l’environnement.