La proposition de loi déposée par plusieurs parlementaires pour contourner la justice et réautoriser le chantier de l’autoroute A69 rappelle de fâcheux précédents.
En contournant une décision de justice, ce texte bafoue les principes démocratiques et détourne le rôle du législateur.
Un projet controversé depuis des décennies
L’A69 est un projet ancien qui suscite de vifs débats. Dès les années 40, on a mené des études pour améliorer la liaison entre Castres et Toulouse. En 2018, l’État accorde la concession malgré une contestation croissante. En mars 2023, les préfets du Tarn et de Haute-Garonne délivrent les autorisations environnementales nécessaires, mais en février 2025, le tribunal administratif de Toulouse annule ces autorisations, stoppant le chantier. Aujourd’hui, plusieurs parlementaires tentent de contourner cette décision en déposant une proposition de loi de validation.
Face à cette annulation, plusieurs scénarios sont possibles. Le gouvernement pourrait faire appel pour contester la décision du tribunal. Un sursis à exécution pourrait aussi être demandé pour permettre la reprise des travaux en attendant une décision en appel. Enfin, la proposition de loi de validation portée par des parlementaires cherche à rétablir rétroactivement l’autorisation environnementale annulée, en court-circuitant ainsi la justice.
Une mauvaise évaluation de la biodiversité
L’une des principales raisons de l’arrêt du projet réside dans une évaluation insuffisante des impacts environnementaux. L’autorisation initiale reposait sur une justification d’intérêt public majeur, malgré des lacunes dans l’étude de biodiversité. De nombreuses espèces protégées n’avaient pas été correctement prises en compte, et les mesures compensatoires proposées se sont révélées largement insuffisantes.
Le tribunal administratif a souligné que les dommages causés à l’écosystème local dépassaient largement les bénéfices attendus du projet. Cette mauvaise anticipation des enjeux écologiques révèle une précipitation politique au détriment d’une réelle prise en compte des équilibres naturels.
Lorsqu’on entend que c’est tout à fait normal car les mentalités et lois ont évolué depuis « tout ce temps » et qu’on ne pouvait pas prévoir, c’est faux. Les textes sur lesquels s’appuient les juges sont bien antérieurs à la mise en place de l’autoroute.
Un affront à la séparation des pouvoirs
Le tribunal administratif de Toulouse a annulé les autorisations environnementales de l’A69. Cette décision repose sur des arguments solides : le projet détruit des dizaines espèces protégées et son intérêt public reste discutable. Or, plutôt que de respecter cette décision ou d’attendre un éventuel appel, plusieurs élus veulent imposer leur propre vérité.
Le pouvoir judiciaire garantit l’État de droit. Son rôle n’est pas optionnel. En proposant une loi de validation, les parlementaires tentent de court-circuiter la justice pour imposer un projet contesté. Ce procédé est une atteinte claire à la séparation des pouvoirs.
Or, le Parlement doit légiférer pour l’intérêt général, pas pour un cas particulier. Les lois de validation servent à corriger des erreurs administratives, non à imposer une décision contraire à la justice. Ici, les députés et sénateurs impliqués créent une loi sur-mesure pour l’A69. Ils agissent comme des juges et refusent d’attendre la procédure d’appel. Cette instrumentalisation du pouvoir législatif est une dérive inacceptable.
Une menace pour la démocratie
Si cette loi est adoptée, elle créera un dangereux précédent. Ce mécanisme remet en cause l’équilibre des pouvoirs et affaiblit la démocratie. Accepter cette loi, c’est cautionner un recul de l’État de droit. Si les parlementaires veulent réellement défendre l’intérêt général, ils doivent respecter les décisions de justice et éviter les manipulations législatives à des fins partisanes.
Cela me rappelle 2005 : la France organise un référendum pour approuver le traité établissant une Constitution pour l’Europe. Les Français ont alors voté NON avec près de 55 %, rejetant le projet. Cependant, en 2007, le pouvoir politique a fait adopter par le Parlement le traité de Lisbonne, qui reprenait de nombreux éléments du traité constitutionnel rejeté en 2005.
On pourrait parler de la décision de 2009 du Conseil constitutionnel de censurer la taxe carbone voulue par la même présidence, estimant qu’elle créait des inégalités devant l’impôt. Le gouvernement tenta ensuite de modifier le dispositif en intégrant certaines exemptions pour le faire passer sous une autre forme avant d’être forcé à abandonner le projet.
C’est le même raisonnement politique. Dans un cas, on passe au-dessus de la justice ou d’une instance dont les décisions s’imposent logiquement aux pouvoirs publics, dans un autre on considère que la parole du peuple n’a aucune valeur. Après, ces mêmes politiques constatent le désintérêt et la méfiance des citoyens envers ceux qui les dirigent ! Etonnant non ?
Le chantier de l’A69 doit donc être jugé sur sa pertinence et ses impacts, pas imposé par des élus refusant de respecter les règles démocratiques.