L’importation massive de tomates du Maroc est un exemple parfait de ce que peuvent être des échanges partiellement toxiques. Tomate, économie ou écologie: rien de logique dans ce commerce … enfin, pas tout à fait!
Le Salon International de l’Agriculture 2025 vient d’ouvrir ses portes à Paris. Celui-ci met à l’honneur le Maroc pour la première fois. Cette célébration souligne les liens historiques et amicaux entre la France et le Maroc, notamment dans le domaine agricole.
Cependant, se cache une réalité préoccupante concernant le traité franco-marocain sur l’importation de tomates vers la France. Initialement, cet accord stipulait que la France importerait des tomates marocaines (cerises principalement) uniquement lorsque sa production nationale serait insuffisante. Or, en pratique, la France importe massivement des tomates du Maroc tout au long de l’année, y compris en pleine saison de production française.
Quelques chiffres
Depuis 2017, les exportations marocaines de tomates fraîches ont augmenté de plus de 40 %. Ces importations en France ont augmenté, atteignant des volumes significatifs qui concurrencent directement les producteurs locaux. Pour être plus précis, il faut signaler qu’une partie de ces tomates est ensuite réexpédiée dans l’Europe entière. Tout ne reste pas sur le territoire.
Cette situation s’explique en partie par une différence notable des coûts de production. Au Maroc, le salaire horaire moyen d’un ouvrier agricole est d’environ 1 euro, contre 11 à 13 euros en France. Cette disparité pousse les importateurs français à privilégier ces tomates, moins chères, au détriment des producteurs nationaux.
Cette dynamique a des conséquences environnementales et sociales préoccupantes. Ces tomates parcourent plus de 2 000 kilomètres pour atteindre les étals français, générant une empreinte carbone considérable. De plus, la culture intensive de la tomate, très gourmande en eau, accentue la pression sur les ressources hydriques locales, déjà fragilisées par des années de sécheresse.
En 2024, la France a exporté vers le Maroc pour plus de 7 milliards d’euros de marchandises, soit une hausse de plus de 10 % par rapport à 2023. Les importations françaises en provenance du Maroc sont restées stables. Il y a donc bien un excédent commercial global.
Le Maroc est le neuvième fournisseur agroalimentaire de la France, représentant près de 20% des importations françaises en produits de la culture et de l’élevage. Parmi ces importations, 70% des tomates proviennent du Maroc, constituant 60% des fruits et légumes importés du pays
En théorie, l’accord franco-marocain devait protéger la souveraineté alimentaire française tout en offrant un débouché nouveau à ce pays « ami ». Pourtant, dans les faits, il est largement détourné, favorisant un système absurde et destructeur. Par contre, en 2023, le Maroc était le cinquième acheteur de cérales françaises, principalement de blé. En 2024, les exportations françaises de blé ont diminué, le Maroc se tournant vers la Russie. Mais on voit qu’il y a quelques gagnants dans l’histoire!
Un traité non respecté
L’accord de libre-échange UE/Maroc de 2012 facilite l’accès du Maroc au marché européen. Il a permis au départ d’exporter près de 300 000 tonnes de tomates vers l’UE sans droit de douane du 1er octobre au 31 mai. Le prix n’est pas indexé sur l’inflation. De quoi fausser le marché. Depuis 2014, le prix d’entrée est calculé sur une valeur forfaitaire. La hausse des volumes s’explique aussi par des coûts de production bas au Maroc. Les importations oscilent maintenant entre 450 000 et 500 000 tonnes, loin des objectifs initiaux. D’autant qu’on trouve ces tomates tout au long de l’année en France!
Des impacts désastreux
Cette situation crée une concurrence déloyale pour les agriculteurs français qui subissent une pression sur les prix. Beaucoup peinent à survivre face aux importations à bas coût. Ils avaient déjà souffert de ce genre de déséquilibre avec l’Espagne où on trouve un salaire horaire moyen proche de 7 euros. On imagine les dégâts avec des salaires horaires fleurtant avec l’euro!
Les impacts de ces accords déséquilibrés sont nombreux. Les conséquences sont des absurdités environnementales majeures :
- Une pollution massive : les tomates parcourent 2 000 km en camion réfrigéré avant d’arriver en France. Elles continuent aussi parfois leur chemin dans le reste de l’Europe.
- Un épuisement des ressources en eau : leur culture intensive dans le nord de l’Afrique aggrave la crise hydrique et pénalise les populations locales.
- Une aberration alimentaire : consommer des tomates en hiver pousse à une agriculture déconnectée des réalités écologiques.
Les distributeurs et grandes surfaces s’engraissent avec ce genre d’échanges et font payer aux Etats et particuliers les conséquences écologiques. C’est là que le consommateur a un pouvoir réel.
Nous pouvons tous refuser d’acheter ces tomates souvent fades et attendre la saison « européenne » afin de favoriser les agriculteurs français.
Les producteurs de tomates subissent une concurrence injuste. Les travailleurs marocains restent sous-payés. L’environnement est victime d’une logistique absurde. Les grands distributeurs continuent de profiter de ce système en maximisant leurs marges sur des tomates vendues à bas prix. Quel modèle!
Il faut le repenser, c’est une évidence. Ces injustices nous rappellent que nous devons, en tant que consommateur, respecter la saisonnalité, soutenir les producteurs « locaux » et voter pour ceux qui proposent de taxer les importations longues distances. Pas si simple car, si la tomate française est sacrifiée au nom de notre souveraineté alimentaire et de l’écologie, on le voit, les céréaliers sont encore gagnants dans ce genre d’accords…